Nos connaissances sur Cenni di Pepo, dit Cimabue, sont très minces, comme le rappelle le prologue de l’exposition : on ignore jusqu’à la signification de son surnom et seuls quelques documents d’archive permettent d’identifier l’artiste et de donner de rares repères dans son parcours. C’est Dante, dans un passage de La Divine Comédie, qui forge le mythe au début du XIVe siècle : en établissant son importance, il est à l’origine de la fascination que le nom de Cimabue exercera des Médicis jusqu’à aujourd’hui.
Cimabue a ouvert la voie du naturalisme dans la peinture occidentale. Avec lui, les conventions de représentation héritées de l’art oriental, en particulier des icônes byzantines, si prisées jusqu’alors, cèdent la place à une peinture inventive, cherchant à suggérer un espace tridimensionnel, des corps en volumes et modelés par de subtils dégradés, des membres articulés, des gestes naturels et des émotions humaines. Il développe également une verve narrative que l’on pensait jusqu’à présent initiée par ses flamboyants successeurs, Giotto et Duccio.
Au XIIIᵉ siècle, l'art italien est dominé par le style byzantin, caractérisé par des représentations figées et symboliques. Cimabue a joué un rôle crucial en introduisant des éléments de réalisme et de perspective, ouvrant la voie à la Renaissance. Son influence a été déterminante pour Giotto, qui a poursuivi et amplifié ces innovations.
Parmi les œuvres majeures de Cimabue, la "Maestà" (ou "Vierge en majesté") est remarquable. Cette peinture, réalisée vers 1280, représente la Vierge Marie trônant avec l'Enfant Jésus, entourée d'anges et de saints. Elle illustre la transition vers un style plus humaniste, avec des figures plus expressives et une composition plus dynamique.
La "Dérision du Christ" explore la souffrance humaine et la compassion divine. Cette peinture illustre la scène de la Passion du Christ, mettant en lumière la douleur et l'humilité du Christ face à la moquerie et à la violence. Elle reflète la capacité de Cimabue à transmettre des émotions profondes en humanisant les figures religieuses.
Cimabue a utilisé la tempera sur bois, une technique courante de l'époque, mais il a également expérimenté avec des effets de lumière et de perspective pour donner une illusion de profondeur. Ses compositions sont caractérisées par une organisation spatiale plus complexe et une attention accrue aux détails anatomiques, marquant une évolution vers un réalisme accru.
Commissariat : Thomas Bohl, conservateur au département des Peintures, musée du Louvre.