"Je vis la couleur. Je sais que c’est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m’accompagne."
L'expérience et le parcours d'Olga de Amaral révèlent la richesse de l'art textile au croisement de traditions culturelles locales et de courants internationaux, en pleine expansion dans les années 1960. Son immersion dans les techniques traditionnelles latino-américaines et son regard contemporain lui permettent de forger un style singulier au sein du *Fiber Art*. Après un séjour à San Francisco en 1964, où son amie Lillian Elliott l'encourage à poursuivre une voie artistique plus personnelle, elle revient en Colombie avec une nouvelle détermination : observer et comprendre en profondeur les pratiques vernaculaires du tissage.
Son engagement auprès des artisans locaux ne se limite pas à une exploration esthétique ; elle adopte une posture d'apprentie, s'inspirant de leur "intelligence ancestrale" et de leur maîtrise technique. L'interaction avec une tisserande quechua, par exemple, influence profondément son approche et l'invite à créer des œuvres plus élaborées, comme *Entrelazado en blanco y negro* (1966), où la technique de chaînes à fentes et les entrecroisements de bandes tissées engendrent une complexité visuelle rappelant l'art précolombien. Son travail évolue en intégrant des textures, des couleurs et des structures qui évoquent les racines culturelles colombiennes tout en s'alignant avec la modernité internationale.
Sa participation à la Biennale internationale de la tapisserie de Lausanne en 1967 et ses expositions aux États-Unis élargissent son audience et renforcent sa place au sein du *Fiber Art* global. À Lausanne, Amaral s'inscrit dans une mouvance en plein essor, la *Nouvelle Tapisserie*, où des artistes comme Magdalena Abakanowicz et Jagoda Buić repoussent les limites de la tapisserie en créant des œuvres sculpturales et immersives. Loin d’une rupture avec la tradition, ces artistes s'efforcent de capturer "la texture du temps", de rendre hommage à un savoir-faire tout en explorant les possibilités de ce médium pour exprimer la modernité. Amaral se distingue par son héritage et son ancrage latino-américain, ajoutant une voix singulière et subtilement subversive à ce mouvement international, qui continue à valoriser les liens entre mémoire, culture et innovation artistique.
Commissariat : Marie Perennès, Aby Gaye.