"Depuis le XVe siècle jusqu'au XXe siècle, l'imaginaire des artistes à propos de l'argent a traversé diverses évolutions marquantes. Initialement, l'or a inspiré des mythes et des récits transcendants, symbolisant l'échange entre les hommes et les dieux, tout en servant de base aux premiers systèmes monétaires sous le règne de Crésus.
Les représentations médiévales et modernes de la richesse et de la pauvreté étaient souvent teintées de moralité chrétienne, condamnant l'avarice tout en louant un enrichissement vertueux au service du bien commun. Cet éclairage moral a persisté à travers les âges, influençant la perception des jeux d'argent comme immoraux en raison de leur capacité à générer des richesses sans effort personnel.
La révolution industrielle a profondément modifié le paysage artistique et financier, avec l'émergence des marchés boursiers et l'essor de la spéculation.
Parallèlement, l'impressionnisme a marqué une révolution dans l'art en transformant le rapport des artistes à l'argent, notamment grâce à des figures comme Paul Durand-Ruel, un marchand d'art influent qui a redéfini le marché de l'art moderne. Ce tournant a remis en question ce que les artistes vendent réellement, mettant l'accent sur la signature de l'artiste et suscitant de nouveaux désirs chez les collectionneurs.
Au XXe siècle, l'influence croissante du capital financier a continué à remodeler la réflexion artistique, tandis que le mouvement néolibéral a amplifié la spéculation autour de l'art contemporain.
Certains artistes, comme Salvador Dalí, ont adopté un exhibitionnisme décomplexé vis-à-vis de l'argent et de la richesse, tandis que d'autres ont critiqué cette intrusion omniprésente de l'argent dans leur domaine créatif.
L'explosion du marché de l'art a soulevé des questions fondamentales sur la valeur pécuniaire de l'art, exacerbées par l'émergence récente des NFT et des plateformes numériques utilisant la blockchain, reproduisant ainsi les mécanismes des marchés financiers traditionnels et brouillant les frontières entre œuvres d'art, artistes et valeurs monétaires."
Commissariat : Jean-Michel Bouhours, ancien conservateur en chef du Centre Pompidou et directeur du Nouveau Musée national de Monaco.