Paris - Athènes
Naissance de la Grèce moderne 1675 ‐ 1919
Musée du Louvre
30 septembre 2021 – 7 février 2022
Introduction
Nous fêtons en 2021 le bicentenaire de deux événements de l’histoire européenne dont la concomitance n’est pas gratuite. Le 25 mars 1821 marque traditionnellement le début de la guerre d’indépendance qui aboutit à la naissance de l’État grec moderne. Le même mois de la même année, la Vénus de Milo entrait dans les collections du Louvre et, première grande antique Grecque du musée, acquérait le statut de chef-d’œuvre mondialement connu. Cette exposition se propose de comprendre la place de l’art grec dans un musée à vocation universelle, comme le Louvre, à la lumière de l’histoire moderne de la Grèce. Elle mêle objets archéologiques, peintures, sculptures, vêtements et photographies pour mieux comprendre cette période fondamentale pour la constitution de l’identité culturelle grecque moderne et européenne.
Le fil conducteur donné par les deux dates retenues, 1675 et 1919, permet de suivre durant plus de deux siècles les liens culturels, artistiques et diplomatiques entre la France et la Grèce. En 1675, l’ambassade du marquis de Nointel en route vers Constantinople fait une halte à Athènes et y découvre une province de l’Empire ottoman. En 1919, la Grèce est dans le camp des vainqueurs de la Première Guerre mondiale et négocie à Paris la mise en œuvre de la “Grande Idée”, qui voudrait rassembler tous les Grecs dans un seul territoire. Entre ces deux dates est née une nouvelle nation européenne dont on suivra pas à pas la construction de l’identité culturelle et le rôle que la France a joué dans cette histoire.
La Grèce révélée, 1675-1821 : une province de l’Empire ottoman
À la chute de l’Empire byzantin marquée en 1453 par la prise de Constantinople, les territoires qui constituent la Grèce actuelle forment pour plusieurs siècles une province de l’Empire ottoman, la Roumélie ou “terre des Romains”. Les voyageurs, artistes ou ambassadeurs s’y arrêtent brièvement en route vers Constantinople ou Jérusalem. Marquée à la fois par son passé byzantin, par la présence turque ou celle des Vénitiens et des Francs depuis la quatrième croisade de 1204, la Grèce développe alors une culture riche et variée qui ne se réduit pas aux rêves orientalistes des voyageurs occidentaux. Nous pouvons suivre les pas de deux ambassadeurs français accompagnés de savants et artistes qui, à un siècle d’intervalle, nous permettent de découvrir par leur témoignage et les collections qu’ils ont rapportées la diversité culturelle de la Grèce de cette époque. Le marquis de Nointel est envoyé par le roi Louis XIV en 1674 en ambassade à Constantinople et découvre Athènes en 1675. Un siècle plus tard, le comte de Choiseul-Gouffier, ambassadeur de Louis XVI “auprès de la Sublime Porte” de 1784 à 1792, après un premier voyage et la parution de son Voyage pittoresque de la Grèce, est un précieux témoin de l’état de la Grèce à l’aube de l’âge des révolutions.
L’art byzantin et post-byzantin en Grèce
À la mort de l’empereur Théodose en 395, la partie orientale de l’Empire romain, de langue grecque, maintient l’héritage de Rome dans ce que nous appelons “l’Empire byzantin”. En 1204, la quatrième croisade, détournée sur Constantinople, conduit à la création d’États “latins”, soumis à la république de Venise ou formant des principautés franques autonomes.
À la chute de l’empire en 1453, la Grèce conserve de cette histoire médiévale son identité culturelle liée à ce patrimoine byzantin en contact avec le monde occidental notamment via Venise. La tradition de la peinture d’icône y perdure et évolue du XVe au XIXe siècle, avec des peintres comme Andréas Ritsos ou Angelos Akotantos au xve siècle, Michel Damaskinos ou Domínikos Theotokópoulos, dit le Greco (1540-1614) pour le XVIe siècle, Emmanuel Lambardos ou Stéphane Tsangarolas au xviie siècle, Stylianos Stavrakis ou Georges Markou au XVIIIe siècle, et Nicolas Cantounis (1767-1834) l’un des plus grands peintres d’histoire grec du début du XIXe siècle.
Louis-François-Sébastien Fauvel et l’autre Grèce
Le comte de Choiseul-Gouffier (1752-1817) est nommé ambassadeur à Constantinople par Louis XVI et reste en poste de 1784 à 1791. Il est accompagné dès son premier voyage de 1780-1782 par l’archéologue et dessinateur Louis-François- Sébastien Fauvel (1753-1838). Fauvel contribua à rassembler la collection d’antiquités de Choiseul- Gouffier saisie à Marseille quand Choiseul fut considéré comme émigré. Après la Révolution, Fauvel est nommé vice-consul de France à Athènes à partir de 1803. Il y rassemble sa propre collection d’antiquités qu’il vendit plus tard en partie au comte de Forbin (1777-1841) deuxième directeur du musée du Louvre. Ses dessins attestent de son intérêt pour le patrimoine byzantin de la Grèce ottomane.
La guerre de libération et le philhellénisme : 1821 -1833
Dans son ouvrage, édité, en 1782, le comte de Choiseul-Gouffier déplorait la perte de l’identité grecque au profit des traditions ottomanes. Il est l’un des premiers philhellènes, “ami de le Grèce”, à défendre son indépendance. Dans les années 1820 grandit un peu partout en Europe et aux États- Unis ce philhellénisme : artistes et intellectuels s’engagent en faveur des Grecs, alors même que commence la guerre d’indépendance (1821-1829). Dans un contexte de montée des nationalismes en Europe, d’influence de la philosophie des Lumières et d’affaiblissement de l’Empire ottoman, cette guerre que l’histoire nationale fait commencer le 25 mars 1821 émeut l’opinion internationale par des combats féroces demeurés célèbres : massacres de Scio (1822), siège de Missolonghi (1825-1826), bataille de Navarin (20 octobre 1827) où s’affrontent les flottes ottomanes, russes, anglaises et françaises. Les cercles philhellènes organisent alors des événements dans le but de récolter des fonds pour aider les civils grecs. À Paris est organisée en 1826, galerie Lebrun, une grande exposition “au profit des Grecs”. En Grèce même la présence des flottes militaires occidentales dans les Cyclades, à Milo notamment, ou celle des troupes de l’expédition de Morée (1828-1833) accompagnées par des artistes et des savants, favorisent une nouvelle curiosité pour les témoignages de l’Antiquité.
Milo, escale militaire et premières explorations archéologiques
L’île de Milo, la plus occidentale des îles des Cyclades, est une escale incontournable des routes commerciales et militaires allant vers Constantinople ou Izmir. En 1820, la Vénus est découverte sur l’île par un paysan grec en présence de militaires français. Après de nombreuses négociations avec l’équipage d’un navire turc, la statue est acquise par le marquis de Rivière, ambassadeur de France.
Arrivée au musée du Louvre en 1821, elle trouve une place de choix parmi la collection d’antiques du musée. La Vénus y est moulée, afin de faire circuler son modèle ce qui contribue à sa célébrité. Le site de Milo devient alors le lieu de plusieurs explorations archéologiques révélant des trésors dispersés dans toute l’Europe (British Museum, Berlin, Leyde, Athènes…). Le colonel Rottiers (1771-1858), né à Anvers, entreprend des fouilles à Milo en 1825 et en rapporte une riche collection d’antiquités et une documentation.
L’expédition scientifique de more
Après la prise de Missolonghi par les Ottomans (1826), la France décide – aux côtés de la Russie et de l’Angleterre – d’envoyer en Grèce de 1828 à 1833, une expédition militaire pour libérer le Péloponnèse (Morée). Le corps expéditionnaire français compte 15 000 hommes et est dirigé par le général Nicolas-Joseph Maison. À l’imitation de la campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte, cette expédition militaire se double d’une expédition scientifique réunissant 19 savants. Abel Blouet (1795-1853), à la tête de la section d’architecture et de sculpture, publie de 1831 à 1838 trois volumes consacrés à l’architecture, à la sculpture et aux inscriptions.
Athènes, nouvelle capitale : un néo-classicisme grec 1834-1878
À l’issue de la guerre d’indépendance grecque, le traité de Constantinople de 1832 permet à la France, au Royaume-Uni et à la Russie de poser, en Grèce, les bases d’un État indépendant. Le roi Othon Ier (1833-1862), d’origine bavaroise, est installé sur le trône grec. Entouré d’artistes et de savants, le roi et son épouse Amalia cherchent à construire une identité culturelle grecque moderne, en puisant dans le patrimoine antique, byzantin et ottoman de la jeune nation.
D’abord située à Nauplie, la capitale est installée en 1834 à Athènes. Inspirée de la Munich de l’architecte Leo von Klenze, la ville nouvelle devient une capitale moderne reprenant le vocabulaire néo-classique et néo-byzantin alors à la mode. Tous les domaines culturels connaissent ce renouveau où se façonne une culture grecque entre tradition et modernité : langue et littérature, presse, costumes de cour, peintures et sculptures d’artistes formés pour la plupart à Munich, création de l’École des beaux-arts, de l’Académie, de la Société archéologique grecque tandis qu’en 1846 est fondée l’École française d’Athènes, premier institut d’archéologie à l’étranger.
Images de la société athénienne
À l’issue de la guerre d’indépendance (1821-1829), la Grèce choisit en 1834 Athènes comme nouvelle capitale. La société athénienne se construit peu à peu. La cour royale d’Othon Ier (roi de 1833 à 1862), garante de la tradition, apporte à la nouvelle nation un souffle de modernité. L’enjeu est de définir une identité grecque moderne.
Le costume de cour inventé par le couple royal Amalia et Othon reprend des costumes grecs traditionnels en ajoutant des éléments de la modernité bavaroise. Il synthétise la construction de l’identité grecque, entre tradition et modernité. Si le costume se répand peu à peu en Grèce, il est toutefois adopté avec des particularismes régionaux.
L’école de Munich
Dès la création de l’École des beaux-arts d’Athènes en 1837, de nombreux artistes grecs, à l’invitation du roi Othon Ier (1833-1862), complètent leur formation à Munich. Dans les ateliers des plus grands artistes allemands (ateliers de Ludwig Thiersch, Karl von Piloty…), ils s’initient aux différents mouvements artistiques européens.
Le néo-classicisme est alors le courant majoritaire de la production artistique grecque, à la fois par la volonté des artistes de conserver un attachement à l’antique, mais également par la présence de fortes personnalités qui, à la suite de leur formation à Munich, sont nommés professeurs à l’Académie d’Athènes.
Architecture et urbanisme
L’urbanisme de la nouvelle ville d’Athènes s’inspire largement de la Munich imaginée par l’architecte Leo von Klenze (1784-1864). Les architectes du premier roi de Grèce Othon Ier (1833-1862), de formation néo-classique, ont tout à inventer : palais, parlement, bibliothèque, musées, quartiers d’habitation, places.... Ils empruntent largement pour les bâtiments publics et les maisons leur vocabulaire à l’Antiquité classique.
Pour les églises – la nouvelle cathédrale d’Athènes, la Grande Métropole, par exemple – ils puisent dans un répertoire néo-byzantin inspiré de Sainte- Sophie de Constantinople et de Saint-Marc de Venise : décors de mosaïques, coupoles…
L’école française d'Athènes
Créée en 1846, l’École française d’Athènes a pour objet de promouvoir les études sur la langue et la civilisation grecques par de jeunes chercheurs français. C’est le premier institut français créé à l’étranger. Les “Athéniens” – ses pensionnaires – séjournent en Grèce un à quatre ans, perfectionnent leurs connaissances littéraires de l’Antiquité tout en assurant les jurys des diplômes des écoles d’Orient et en donnant des cours de français à la jeunesse de la capitale grecque. Peu à peu les opérations de terrain prennent de l’ampleur : missions d’exploration, fouilles, production de corpus. La première fouille systématique a lieu à Santorin en 1870 puis suivent la fouille de Délos (1873 sur le mont Cynthe, 1877- 1880 dans le sanctuaire d’Apollon, 1904-1914), la
“Grande Fouille de Delphes” (1892-1903), celles de Thasos (1911), Philippes (1914) …contributions majeures à l’archéologie grecque naissante.
Identité de la Grèce moderne : photographies et littérature
La Grèce indépendante bénéficie très vite du succès de nouveaux moyens de diffusion qu’autorisent de nouvelles technologies. Dès l’invention de la photographie en 1839, de nombreux artistes font de la Grèce un sujet. Les premières techniques demandent un matériel encombrant et un temps de pose conséquent. Joseph-Philibert Girault de Prangey (1804-1892) est le premier à s’emparer d’un daguerréotype pour immortaliser des vues de Grèce. De nouvelles techniques, plus légères et plus rapides, facilitent ensuite le voyage des photographes. De nombreux studios s’installent en Grèce et des photographies et des albums sont vendus pour un premier public d’amateurs et de touristes.
Voulant développer une imprimerie et favoriser l’essor d’une littérature moderne, le jeune État se trouve confronté à l’épineuse question de la mise au point d’une langue grecque moderne. Des débats opposent les partisans du grec ancien et ceux de la dimotiki, la langue populaire. Les lettrés français participent à l’élaboration de cette nouvelle langue. Firmin-Didot crée les premiers caractères d’imprimerie grecs ; les traductions de grands ouvrages anciens et modernes contribuent également à alimenter ces réflexions sur la langue grecque.
L’époque des grandes fouilles archéologiques : 1873-1903
Dès 1837, la Grèce se dote d’une Société archéologique grecque destinée à promouvoir et à explorer le patrimoine antique, mais aussi à le protéger en interdisant l’exportation des antiquités. Symboliquement, pour un jeune État qui recouvrait sa souveraineté, les premières fouilles ont lieu dans la nouvelle capitale, Athènes, et particulièrement sur l’Acropole. Mais la tâche est immense et peu à peu l’État grec propose des concessions de fouilles à divers instituts étrangers dont l’École française d’Athènes fondée en 1846. Cet essor de l’archéologie suit le développement territorial du pays vers le nord, notamment à la fin du siècle. Une discipline scientifique naît progressivement car la connaissance matérielle de la civilisation de la Grèce antique est encore très lacunaire. Grâce à la photographie, à la pratique du moulage, à l’établissement d’une documentation précise, à d’ambitieuses publications des corpus, les archéologues comprennent et valorisent de mieux en mieux leurs découvertes. C’est le temps des grandes fouilles qui explorent Olympie, Delphes, Délos, Corinthe, Mycènes ou Cnossos. En une génération à peine notre connaissance de la Grèce antique est bouleversée. La France peut montrer fièrement à l’Exposition universelle de Paris en 1900 sa contribution à cette aventure humaine.
La galerie d’art grec de Ravaisson-Mollien : l’état des connaissances en 1862
Félix Ravaisson-Mollien (1813-1900), philosophe et archéologue français, est chargé en 1860 de rassembler une collection de moulages des plus grands chefs-d’œuvre connus de l’art grec. Cette collection avait pour but de diffuser le modèle grec dans le cadre de la réforme de l’enseignement du dessin des lycées français. Cet essai de classification de l’art grec fait l’objet d’une exposition au Palais de l’Industrie à Paris en 1862. Parmi cent-vingt sculptures en plâtre, la plupart sont des répliques de sculptures romaines, copies ou imitations rétrospectives des originaux grecs disparus. Avant les grandes fouilles de la fin du XIXe siècle la connaissance de l’archéologie de la Grèce est en effet très limitée.
La fouille de Délos 1873-1913
Située au centre de l’archipel des Cyclades, l’île de Délos était célèbre dans l’Antiquité pour avoir été le lieu de naissance d’Artémis et Apollon. Sa situation géographique et ses ports naturels en firent une riche cité commerçante connue pour ses temples et ses quartiers d’habitation, mais aussi pour son port déclaré “franc” par les Romains, ce qui lui valut sa prospérité.
L’École française d’Athènes entreprit une fouille systématique de l’île entre 1873 et 1913. Les archéologues, sous la direction d’Albert Lebègue puis de Théophile Homolle, explorèrent les sanctuaires (d’Apollon, d’Artémis, de Léto, des dieux étrangers…), mais aussi le quartier du théâtre avec ses riches maisons décorées de mosaïques, qui livra un matériel abondant illustrant la vie quotidienne. Moulages des sculptures originales envoyées à Athènes, relevés des mosaïques et des peintures, maquettes des maisons révélèrent en France ces découvertes qui révolutionnèrent notre connaissance des cités grecques antiques.
La grande fouille de Delphes 1892-1903
Située en Grèce centrale, au pied du mont Parnasse, Delphes, considérée comme le centre du Monde connu, abritait dans l’Antiquité le plus célèbre sanctuaire oraculaire dédié à Apollon qui parlait aux hommes par l’entremise de sa prêtresse, la Pythie.
Après une première fouille limitée en 1861-1862, l’École française d’Athènes obtint de la Grèce une concession de fouille pour dix ans de 1892 à 1903. Théophile Homolle mit alors en œuvre des moyens considérables grâce à une subvention exceptionnelle du parlement français : achat maison par maison et déplacement du village moderne qui occupait le site ; construction de 1800 mètres de voies Decauville pour évacuer les déblais, recours à des centaines d’ouvriers, usage systématique et pionnière de la photographie et du moulage pour diffuser les découvertes…Les résultats sont à la mesure des attentes et font l’objet d’une exposition au Louvre dans une galerie de Delphes créée dès 1896, à l’Exposition universelle de Paris de 1900 puis sur les paliers de l’escalier de la Victoire de Samothrace de 1901 à 1934. Rodin, Debussy, Fortuny ou Isadora Duncan y découvrent alors une autre Grèce.
Une autre Grèce : couleurs et identité nationale
La Grèce indépendante construit progressivement son identité culturelle tout au long du
XIXe siècle, puisant dans le riche répertoire des nouvelles découvertes archéologiques pour imaginer affiches, timbres, billets de banque, monnaies ou médailles. Avec les fouilles de Mycènes ou de Cnossos, mais aussi avec la redécouverte des statues et des temples archaïques, l’actualité archéologique impose la question de la couleur de l’art grec antique.
Un atelier d’artistes suisses implantés à Athènes contribue à la fabrique de l’identité nationale. Émile Gilliéron (1850-1924), formé aux Beaux- Arts de Paris, et ses descendants collaborent étroitement avec les grands archéologues. Une grande partie de leur production consiste en la réplique d’objets archéologiques : métaux, coupes ou fresques reproduits permettent de diffuser les dernières découvertes.
Les Gilliéron contribuent ainsi à développer un nouveau langage national visuel. Lors des grandes Expositions universelles ou des premiers Jeux olympiques modernes de 1896 à Athènes, ils inventent les modèles des trophées sportifs remis aux vainqueurs, des billets de banques, des timbres ou des diplômes, inspirés des récentes découvertes archéologiques.
Archaïsme et polychromie : un autre art grec
En 1750, le peintre James Stuart et l’architecte Nicolas Revett, tous deux Britanniques, relèvent des traces de polychromie sur le Parthénon. D’autres voyageurs tout au long du XIXe siècle signalent la présence de couleurs sur les fragments d’architecture et de sculptures grecques antiques, comme sur les corés de l’Acropole découvertes dans les années 1880. Peu à peu, le mythe d’une Grèce “blanche” élaborée notamment au XVIIIe siècle par les penseurs du néo-classicisme s’effondre.
Les élèves architectes à l’École des beaux-arts reçus au Prix de Rome contribuèrent à cette redécouverte. Formés à l’Académie de France à Rome, ils ont la possibilité, dès la seconde partie du XIXe siècle, d’étudier un monument grec, afin d’en exécuter le relevé des ruines et d’en proposer un état restauré. Ces “envois” révèlent également leurs préoccupations de créateurs modernes : bâtiment “hypèthre” en totalité ou partiellement à ciel ouvert, gestion de la lumière, goût pour la couleur…
Athènes fin du siècle et l’art nouveau : 1878-1920
Les relations entre Paris et Athènes sont particulièrement riches au tournant des années 1900. L’influence française est portée par l’attractivité de Paris, capitale des avant-gardes artistiques. Auparavant formés à Munich, les artistes grecs sont présents aux différentes Expositions universelles de Paris, espérant se faire ainsi connaître sur la scène artistique européenne. Encore fortement marquée par la tradition académique lors de ces expositions, la sélection des artistes grecs opère une rupture définitive mais mal perçue en 1919 avec l’exposition du groupe Techni. Le contexte géopolitique explique également ces révolutions culturelles à l’œuvre. Voulant réaliser la “Grande Idée” en rassemblant tous les Grecs en un seul et même territoire, l’État grec se heurte de nouveau durant la Guerre des trente jours de 1897 et les guerres balkaniques de 1912-1913 à l’Empire ottoman. Dans ce contexte d’affirmation de l’orthodoxie face aux Ottomans renaît l’intérêt pour le passé byzantin, un héritage de plus en plus présent dans l’affirmation culturelle de la Grèce. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, la Grèce pour le premier centenaire de son indépendance tente une synthèse entre ces différentes traditions antique et byzantine et l’ancrage dans la modernité européenne.
Les artistes grecs à paris
Dans les années 1830-1860, la plupart des artistes grecs, à l’invitation de leur roi d’origine bavaroise Othon Ier (1833-1862), étaient formés à Munich et complétaient leur formation dans d’autres écoles européennes (Bruxelles, Londres, Paris). Dans la seconde partie du XIXe siècle, Paris s’impose peu à peu comme capitale des arts, lieu de formation académique et de découverte des avant-gardes. Les artistes grecs viennent donc naturellement fréquenter les ateliers parisiens, voire restent à Paris : Théodoros Rallis (1852-1909) est élève de Jean-Léon Gérôme, Maria Kassaveti (1843-1914) élève d’Auguste Rodin, Iakovos Rizos (1849-1926), élève d’Alexandre Cabanel, connu sou le nom de Jacques Rizo reste et meurt à Paris.
Les artistes grecs aux expositions universelles de paris
Les artistes grecs sont présents aux Expositions universelles dès la première exposition de Paris en 1855. La sélection d’art grec moderne présentée à Paris à ces occasions est un bon témoignage de l’évolution de cet art et de la manière dont il se définit à l’étranger. Les pavillons de la Grèce de 1889 (un bâtiment néo-classique) et 1900 (un pavillon en forme d’église byzantine) attestent cette évolution de l’identité culturelle grecque moderne. L’exposition de 1889 est encore fortement marquée par le courant néoclassique. En 1900 l’art grec est davantage sensible à l’art nouveau parisien. Les artistes Niképhoros Lytras (1832-1904) et Nikolaos Gyzis (1842-1901), formés à Munich dans les années 1860, représentants de l’académisme (ils sont professeurs à l’École des beaux-arts d’Athènes et de Munich), maintiennent longtemps cette influence. Ils font partie des artistes grecs les plus fréquemment exposés aux Expositions universelles.
La redécouverte du passé byzantin en Grèce
Le développement de l’urbanisme à Athènes comme l’exacerbation des luttes contre l’Empire ottoman en Grèce du Nord (1897 et 1912-1913) ravivent l’attachement de la jeune nation grecque à son passé byzantin et à son patrimoine chrétien. Avec le développement des villes modernes de nombreux édifices byzantins et post-byzantins ont été détruits au XIXe siècle provoquant une vive réaction intellectuelle.
Certaines figures œuvrent pour la préservation de ces ouvrages. Lysandre Kaftantzoglou, architecte et président de l’Université polytechnique d’Athènes, prend position en faveur de cet héritage. Il est notamment à l’origine de la préservation de la Fresque des Catalans dans l’église du Prophète-Élie au Staropazaro (le marché au blé d’Athènes).
Les études byzantines françaises
La recherche française contribua à la définition même de l’art byzantin longtemps confondu avec mépris avec un art “grec du Bas-Empire”. La présence franque en Grèce à l’issue de la quatrième croisade de 1204 suscita l’intérêt des savants français notamment pour l’architecture et la sculpture de ce temps.
Des voyageurs accompagnés par des artistes comme Dominique Papety (1815-1849) sont à l’origine de nombreux relevés d’édifices byzantins, dans une logique de collecte et de documentation. Membre de l’École française d’Athènes, Gabriel Millet (1867-1953) renouvela considérablement ces études par ses travaux et publications. Le développement de ce champ historique est à l’origine d’un regain d’intérêt et d’une réévaluation des collections byzantines françaises notamment celle du Louvre.
Le groupe TECHNE
Le groupe appelé en grec omada techni (groupe “art”) est fondé à Athènes en 1917 à l’initiative de Nikos Lytras (1883-1927). Il voulait rompre avec le professeur de l’École des beaux-arts Georgios Iakovidis (1853-1932), tenant de l’académisme. Les artistes de ce mouvement, comme Constantinos Parthénis (1878-1967), sont en relation avec la Sécession viennoise et le symbolisme français ou avec le fauvisme et les Nabis comme Constantinos Maléas (1879-1928) ou encore le Blaue Reiter de Munich comme Nikos Lytras lui-même. Dans un contexte de négociation des traités de paix au lendemain de la Première Guerre mondiale, ces artistes exposent à Paris en 1919 à la galerie La Boétie. Ces artistes, influencés par les avant-gardes européennes, ont une même volonté de rupture avec la tradition de l’art grec. Pour cette raison même, l’exposition fut mal reçue par la critique française : le public parisien assignait l’art grec à un exotisme orientalisant ou espérait des rappels de l’héritage antique. Le groupe TECHNE se sépara en 1920.
Commissariat : Anastasia Lazaridou, directrice des Musées archéologiques, des Expositions et des Programmes éducatifs au ministère hellénique de la Culture et des Sports ;
Marina Lambraki-Plaka, directrice de la Pinacothèque d’Athènes et Jean-Luc Martinez, président-directeur honoraire du musée du Louvre, assistés de Débora Guillon.
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